Le traitement psychique aujourd’hui
Psyché : en grec, l’âme, le souffle de vie
- Soigner, changer
Que veut dire soigner un trouble psychique ?
Ce trouble ne peut être « supprimé » : les médicaments se bornent à n’en corriger parfois que les effets. Il ne peut être «rééduqué », ce que tentent de faire les thérapies comportementales. Il ne peut pas non plus être « apaisé », ce à quoi s’efforce le coaching. Il doit reprendre sa place dans l’esprit, mais comme élément constitutif non douloureux. Ne plus pleurer un être cher, ne plus avoir peur des avions, ne signifie pas abolir la disparition de cet être ou éliminer les avions…
Le XXème siècle a inventé la thérapie psychique, savante comme une science et libre comme un art.
Savante, elle élucide le trouble au moyen de la parole, en se servant de la connaissance de l’esprit, conscient et inconscient.
Libre, elle donne accès à l’imagination pour décrypter l’«humeur du réveil », rendre possibles les digressions révélatrices à travers le dialogue, saisir la personnalité dans son ensemble.
Un patient et un thérapeute se rencontrent : « deux individus assez effrayés », disait le psychanalyste Wilfred Bion. Ce risque et cette crainte font partie de la liberté thérapeutique, ils participent d’une re-création.
Soigner veut donc dire, en l’occurrence, modifier l’organisation psychique, et non l’amputer ou faire que le patient devienne une autre personne, mais réaménager ses potentialités.
- Qu’est-ce qu’un psychothérapeute ?
Seul praticien à avoir commencé par vivre lui-même un traitement psychique en bonne et due forme, le psychothérapeute n’est pas un maître mais un guide. Tel Virgile ou les autres accompagnateurs de Dante dans les cercles des mondes surréels, il encourage, montre le chemin au patient dans son voyage thérapeutique.
Avant d’avoir été expérimenté au XXème siècle en Europe, le processus naturel de la psychothérapie était connu dès la haute Antiquité. Un déterminisme quasi universel gouverne l’imagination humaine : à travers la reviviscence d’épisodes anciens, elle suit des phases qui, revécues autrement, ouvrent la voie d’un renouveau. Aucun destin n’est plus assigné au patient qui entreprend un traitement psychologique.
C’est la liberté de l’échange qui permet de comparer la psychothérapie à un art :
Par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. (Marcel Proust, Le temps retrouvé)
- Le bel aujourd’hui…
En Europe, la France compte le plus grand nombre d’étudiants en psychologie, de professionnels de la discipline, de consultations et de travaux d’intérêt psychologique.
Cette profusion trouve amplement matière à s’exercer aujourd’hui : une réalité intrusive submerge les personnes privées, compromet leurs chances d’adaptation, entraînant le stress et des troubles inédits. Communication et jeux virtuels, accélération des échanges, normes technologiques inflexibles, épouvantes impromptues liées au terrorisme : de nouvelles angoisses d’abandon, d’annihilation se traduisent par l’affaiblissement du Moi, les fantasmes de perte.
Que devient le traitement psychique dans de telles conditions ?
Il dissipe ces troubles grâce à l’écoute attentive, à l’empathie, à la mentalisation des « angoisses catastrophiques ». Le cadre thérapeutique le permet, la parole affranchie relance la « croissance psychique » entravée, laisse renaître le sujet : on voit alors s’émanciper le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui des civilisations qui vacillent, certes, mais se recréent.