Renaissance en psychanalyse
‘L’Armoire aux livres’
Jérôme Bosch, Le Jardin des Délices
DIDIER ANZIEU, La Psychanalyse encore, 1975, in Le Travail de l’Inconscient , textes choisis et annotés par René Kaës, Dunod, 2009.
« Pour Nietzsche […], les pulsions de mort sont irrémédiablement plus fortes que les pulsions de vie. Freud, au contraire, envisage une lutte infinie entre ces pulsions et non que le combat soit joué d’avance. […] Il a toujours […] misé sur l’Eros*. Relisons les dernières lignes du Malaise dans la Civilisation ( Freud, op. cit. ) :
‘’ La question du sort de l’espèce humaine me semble se poser ainsi : le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle mesure, dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions humaines d’agression et d’autodestruction ? A ce point de vue, l’époque actuelle mérite peut-être une attention toute particulière. Les hommes d’aujourd’hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature qu’avec leur aide il leur est devenu facile de s’exterminer mutuellement jusqu’au dernier. Ils le savent bien et c’est ce qui explique une bonne part de leur agitation présente, de leur malheur et de leurs angoisses. Et maintenant, il y a lieu d’attendre que l’autre des deux « puissances célestes » , l’Eros éternel, tente un effort afin de s’affirmer dans la lutte qu’il mène contre son adversaire non moins immortel. ‘’
Le mal qui a été fait peut être défait ; ce qui s’est trouvé bloqué peut reprendre son développement ; ce qui n’a pas été donné peut être reçu, à condition de patience, de présence, de lucidité et d’opportunité : ce me semble être là des éléments importants, non pas d’une profession de foi, mais d’une éthique psychanalytique.
Cette éthique a des implications techniques importantes. Si un patient nous advient chez qui l’union ou l’intrication pulsionnelle fonctionne pour l’essentiel, il suffit que nous instaurions la situation pour que le processus analytique se développe et il convient que nous soyons fermes dans notre attitude et discrets dans nos interprétations. Si par contre, la carence affective ou la déficience éducative ont été telles qu’au sortir de la petite enfance, la pulsion d’autodestruction s’est trouvée renforcée et relativement autonomisée, et si à l’adolescence, les choses se sont répétées et aggravées dans le même sens, c’est autrement que nous avons à organiser la situation et notre conduite :
Apprendre au patient à repérer et à déjouer les ruses de l’autodestruction, représenter pour lui la réalité extérieure chaque fois que c’est nécessaire, c’est-à-dire chaque fois que la pulsion d’autodestruction l’aveugle gravement sur cette réalité, enfin lui signifier notre confiance dans le primat possible d’Eros. »
*Eros : ensemble des forces de vie ( note du site )
( Nos paragraphes et italiques )
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Nul mieux que Didier Anzieu ne pouvait évoquer les facultés d’élaboration et l’aptitude au changement que permet le processus psychanalytique.
Ce psychanalyste avait, en effet, expérimenté sur lui-même non seulement la cure personnelle mais aussi ce qu’il avait appelé ‘ l’élan créateur ‘ ( in D. Anzieu, Le Corps de l’œuvre ), soit les dispositions à la création artistique, qu’il avait décrites en s’observant lui-même, comme Freud avait analysé ses propres rêves.
Ce faisant, comme le père de la psychanalyse, il s’était trouvé au confluent de l’art et de la science, selon la double vocation que nous n’hésiterons pas, pour notre part, à reconnaître à la science de l’âme.
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En matière de renaissance ou de résurrection, je peux témoigner de la puissance de l’Art, allié à la psychanalyse. L’ Aube, la première chanson signifiante que j’ai écrite d’un jet puis composée, après un rêve de fin de nuit, un de ceux qui ne laissent que des impressions, est un « Lève-toi et marche, et chante, et bats-toi. J’ai continué, malgré les cahots, accidents de parcours. Thérapie, méditation, poésie et musique ont eu raison des ombres suicidaires. Oui, une deuxième naissance!